Les rencontres du MaMA Festival 2021 : Alex est tombé sous le charme de Zinée !
Alex était partenaire de la nouvelle édition du MaMA Festival et lors de ce rendez-vous incontournable, on a profité de l’occasion pour papoter avec les artistes qui font déjà la musique de demain : voici Zinée !
Par Stéphane Bernault - Mis à jour
Zinée ou la Toulousaine, future grande du rap à la française !
Il y a des fois on se prend des tartes dans la gueule, des coups de foudre auditifs, à en faire rater des battements de coeur. C’est un peu ce qui est arrivé à Alex quand il a posé une oreille sur le projet de la jeune Toulousaine Zinée. On a donc foncé quand on a su qu’on pouvait l’interviewer (le tout avec l’accent chantant, évidemment) !
Alex : Qui est Zinée et qui se cache derrière le nom de scène ?
Zinée : Alors Zinée, c’est une jeune rappeuse toulousaine qui est arrivée à Paris, y a deux ans, deux ans et demi, et qui fait partie du collectif 75e Session, de façon intégrante.
Et pour ce qui est de qui se cache derrière le nom, je m’appelle Lisa et je suis née en 1997. J’ai 24 ans, cette année, je suis… je suis un bébé (rires) et voilà, j’ai grandi à Toulouse, j’ai migré à Paris où je suis venue pour travailler. Et y faire de la musique. Je pensais pas que c’était possible de vivre de la musique, mais j’ai réalisé mon rêve. Donc en résumé, je suis une enfant du Sud qui a réalisé son rêve.
Alex : Tu viens de sortir « Cobalt », ton EP ? Ton album
Zinée : C’est comme tu veux, moi, je dis mixtape. Mais c’est un format long donc tu peux dire ce que tu veux.
Alex : On va rester sur « Cobalt » alors… comme ça, je ne dis pas de bêtise. Qu’est-ce que cela raconte ?
Zinée : « Cobalt »… C’est un peu le résumé de mes angoisses et, je l’avoue, ma construction de carapace. Parce qu’il faut savoir que le cobalt, c’est un métal très lourds qu’on utilise ou utilisé dans les armures, qu’on utilise dans les chimiothérapies. Mais, mais je lie beaucoup la musique à la couleur aussi. Donc il y avait ce bleu cobalt aussi qui allait bien. Et en fait, ça m’a paru carrément comme une évidence. Quand j’ai lu la définition, je me suis dit c’est ça et c’est pas autre chose en vrai, parce que c’était pile poil dans le thème de ce que je voulais faire, du propos musical que je voulais avancer en vrai…
Alex : Et le bleu, c’est aussi la couleur de la mélancolie…
Zinée : Oui, et je suis très, très mélancolique. C’est mon sentiment préféré. Je pense que si on me l’enlève, je ne sais plus ce que je fais de ma vie et je pense que j’aurai toujours à plus ou moins grande échelle. Mais c’est un truc important pour moi et « Cobalt », c’st une première page que j’ouvre. Mais pour moi, c’est pas un premier album, c’est… c’est construit, on y a mis du temps à tout ça. Un premier album, ça se réfléchit vraiment. Il faut avoir un certain stade avancé et que je sois assez fière de moi.
Alex : donc c’est le chaînon manquant entre un EP et un album ?
Zinée : Ouais, c’est entre « Futée » et… ouais, on passe un step, mais on n’est pas encore à l’album. L’album sera beaucoup plus construit et voilà…
Alex : Comment on arrive à être aussi mélancolique, si jeune ?
Zinée : Je pense que c’est la vie. Déjà toute petite, ma mère me disait que j’avais un truc avec ça. J’ai beaucoup d’empathie très jeune, pour des choses qui n’étaient pas forcément liées à moi. J’ai vécu des petits traumatismes qui ont fait quen sur le moment, je n’ai pas du tout pris la mélancolie avec moi et je me le suis pris pleine barre des années plus tard…
C’est un sentiment qui m’était propre. La musique, c’est le seul moyen pour moi vraiment d’exprimer cette chose-là. Pour moi, c’est n’est pas possible de faire autrement. En fait, même si j’avais envie de faire quelque chose de complètement différent, je n’y arriverai pas, il y a toujours ça qui reste en moi.
Alex : Et ça, dès le départ. C’était de la musique où ça a été d’abord des mots sur un cahier ou du son qu’on commence à s’exprimer
Zinée : En fait, j’ai commencé la musique très, très jeune et j’étais bègue quand j’étais petite et dyslexique. Et en fait, l’orthophoniste m’a dit : « Commence à chanter. Peut-être que ça va débloquer » et elle a eu raison, ça a débloqué énormément de choses dans mes dysfonctionnements. J’ai compris que c’était ma seule armure face au monde. Clairement. J’ai mis des années à comprendre que c’était ça que j’allais pouvoir faire ce que je fais de ma vie et aider les gens à ma façon.
Alex : Alors quand tu travailles, comment tu écris ? De quoi tu t’inspires et comment ça se passe?.
Zinée : J’écoute énormément de choses différentes, que ce soit de la pop, que ça soit des choses très, très cloud, qu’on ne peut pas trop qualifier de rap ou même urbain. Je mélange beaucoup de choses et en fait, avec Sheldon, qui est mon directeur artistique ou fondateur de la 75e Session. On se positionne en se disant… en ne mettant pas de pression déjà et en construisant, en fonction du mood qu’on est en train de vivre actuellement. Jamais on va rentrer en studio et se dire : « aujourd’hui, on va faire une trap alors qu’on vient d’avoir une mauvaise nouvelle juste avant que, justement, tout à l’inverse, on est dans une journée hyper solaire et on va être un truc très down ».
En fait, lui, il construit, il fait juste quelques mélo. Moi, je switch de studio, je mets mon casque, j’écris et lui pendant ce temps, il construit. Et après, on s’allie et la magie opère.
Alex: donc c’est forcément à deux et c’est une main dans la main.
Zinée : C’est ça. Mais après, je travaille avec d’autres gens, d’autres producteurs. j’ai d’autres fonctionnements. Je topline beaucoup et après… et après, je mets du texte dessus. Mais souvent, c’est la topline et la mélancolie ou juste le fonctionnement de la prod, le BPM ou ces choses-là qui me font écrire.
Alex : Et donc quand tu écris, ce sont tes histoires personnelles ?
Zinée : Oui. Pour l’instant, je suis dans ça et j’aimerais bien arriver à faire des story telling, de choses qui me sont pas propres et arriver à parler des choses à la troisième personne. Pour l’instant, juste, je suis une jeune artiste, je suis en développement et et pour l’instant, c’est un truc qui m’est propre et je sais que ça, je le gère en fait.
Parce que quand même, quand tu parles d’une histoire au troisième degré, il faut quand même avoir conscience de ce que tu dis et de l’impact des mots. Tu vois donc c’est important quand même de se rendre compte de ce qu’on dit parce que les mots, c’est quand même quelque chose d’important, surtout dans mon travail. Du coup, je fais attention à justement dire ma vérité à moi. Peut être que si un jour je croise une vérité et que j’ai envie d’en parler, j’en parlerai avec la personne et savoir comment traiter la chose sans sans bousculer les gens et sans les rendre mal à l’aise tout simplement.
Alex : Et ça te vient de manière fluide l’écriture?
Zinée : Assez. Mais je mets du temps parce que Sheldon est très pointilleux avec moi. Et justement, il me donne un petit peu ce truc de me dire : « Tu vois, tu peux mieux faire. Tu peux mieux faire dans l’écriture et il ne faut pas que tu simplifies ton écriture. Il faut que tu lui rende un peu plus complexe, que tu enjolives un peu les mots. » Et c’est bien de pouvoir dire des choses très graves de façon plus jolie et de déguiser un petit peu la chose. C’est un art et je suis en train de l’apprendre tout doucement.
Alex : C’est une réussite car il y a des textes de « Cobalt » qui sont vraiment très, très beaux.
Zinée : C’est gentil, mais j’espère, je me… Je me fixe des objectifs beaucoup plus hauts pour la suite. (rires)
Alex : En termes de références, parce que tu m’as dit que tu étais beaucoup de choses, qu’est ce qui t’a nourri jeune et qu’est ce qui te nourrit encore aujourd’hui ?
Zinée : Alors chez moi, mon père, c’est le rap. Depuis petite, c’est la Fonky Family, Oxmo Puccino, IAM… tout ce qui est de l’époque. Et ma mère, c’est plus pop. Mylène Farmer, Alain Souchon, Laurent Voulzy, Francis Cabrel, Jean-Jacques Goldman, tout ça et aussi du flamenco. Donc, j’ai nagé un peu dans ça et bizarrement, c’est des choses qui me nourrissent encore. Mais de moi même, les premières personnes que j’ai découvert musicalement, ça va être Disiz la Peste principalement.
Et qu’est ce que j’ai découvert toute seule, très jeune? Tout ce qui est RNB un peu des années des années 2000, un peu Neyo, Usher. Et tout ça. J’aimais bien. Je trouve qu’en France, il manquait un peu de ça et et voilà. Mais j’ai l’impression que mes goûts musicaux, ils n’ont pas changé. Je ne sais pas comment expliquer. Je ne suis pas dans le dégoût, tu vois, même si ça me rappelle des choses tristes. C’est des choses qui ont fait ce que je suis et j’espère arriver à faire et à construire un univers comme ils l’ont créé.
Alex : T’es une femme qui fait du rap, on doit forcément te parler de Diam’s souvent…
Zinée : Aaaah mais Diam’s c’était mon premier concert. Un Zénith de Toulouse en plus.
Alex : Est-ce que c’est compliqué d’être une femme dans le rap ? Je ne sais pas si tu as vu la saison 2 de « Validé » sur le sujet ?
Zinée : Ouais j’ai vu pour la série… Pour moi, je te dirais que non. Actuellement, non. Parce que moi, je suis hyper bien entourée par des gens bienveillants. Et justement, donc, ils me disent : « On n’attend que ça et tout ». Et du coup, il y a un peu, tu vois, ce truc dans le milieu, c’est OK de fou, mais je pense qu’il y a beaucoup de choses à changer…
Tu vois, déjà il faudrait arrêter de qualifier le rap de féminin, tu vois dans les playlists sur Spotify ou ailleurs. Ce genre de choses pense que ça peut aider quand même, ça peut aider un peu le fait de normaliser complètement la chose. Je pense que ça peut grave aider. Peut être qu’un jour, je rencontrerai du sexisme dans le travail. C’est possible, mais vraiment, pour l’instant, ça ne m’est jamais arrivé. Donc, je reste assez optimiste par rapport à ça, tu vois? Et si ça peut aider des jeunes filles qui viennent me voir après plusieurs concerts et me dire : « ça m’a trop trop donné envie de faire du son, de faire un disque… »… Le bonheur. On veut aller vers ça quoi.
Alex : Et la scène, t’en as fait beaucoup…?
Zinée : Ah non… (elle fait un signe avec 4 doigts levés)… On peut les compter sur les doigts d’une main. (rires). Ce soir, ça sera ma cinquième fois, ma cinquième date. Mais j’avoue, j’aime déjà un peu trop ça.
Alex : Ah ben j’allais poser la question de savoir si ça t’angoissait ?
Zinée : Si, si… ça m’angoisse. Je me mets dans un état, mais c’est un truc où je me mets la pression à moi-même et je me dis : « J’espère que ça va être encore mieux que la dernière fois ». Je regarde même les premières vidéos de mes concerts, le dernier à Nantes. Je vois déjà que j’améliore, que j’y prends goût. Ça se voit dans les interactions, l’énergie…. Et c’est trop agréable de voir les gens chanter ces chansons, voir que tu fais participer des gens, qu’il y ait des gens qui ressentent les mêmes choses que toi. Je crois qu’on fait de la musique aussi pour ça. Pour l’instant, je ne suis pas dans une dynamique où j’ai peur de ça ou je veux juste être un rat de studio pour l’instant. Vraiment, c’est un truc que j’aime bien alterner. Ça me fait du bien de voir des gens, surtout après la période qu’on a passé.
Alex : Et bientôt une date à Toulouse, à la maison ?
Zinée : Ah mais j’espère. Je veux jouer à domicile. Franchement, ça serait un peu le Saint-Graal. C’est un truc que j’attends vraiment. J’ai travaillé un peu au Bikini et tout ça. C’est un truc que j’ai connu en interne. Me dire que peut être un jour, je serai sur scène, là-bas. Wow. Ça, ça me ferait du bien. Même si je passe au Connexion. Ou au Métronome. Je connais quelqu’un qui travaille dans les affiches là-bas…. J’ai trop hâte de jouer chez moi. C’est juste de jouer à domicile. J’ai hâte. Toulouse, ça m’a trop bercé. Je suis trop contente d’avoir grandi là-bas. J’ai vraiment hâte d’y retourner.
Le rendez-vous est donc pris avec Zinée. Ecoutez vite son EP « Cobalt« , qu’on ne soit plus les seuls à attendre impatiemment la sortie de son premier album.