Les rencontres du MaMA Festival 2021 : Ojos met ses tripes sur la table lors d’une interview qui lève le voile de « Misterio » qui l’entoure !
Alex était partenaire de la nouvelle édition du MaMA Festival et lors de ce rendez-vous incontournable, on a profité de l’occasion pour papoter avec les artistes qui font déjà la musique de demain : voici Ojos!
Par Stéphane Bernault - Mis à jour
Alex fait un pas-de-deux sans frontières avec le charmant duo Ojos !
Groupe tellurique, savant mélange d’influences du monde, Ojos nous a offert son EP « Volcans » et le duo éclabousse la scène musicale grâce à l’éruption de son talent brut, intense et charmeur. Avant leur passage sur scène au MaMA, Elodie et Adrien d’Ojos ont pris le temps de se dévoiler à nous. Interview.
Alex : On commence avec la terrible question : qui sont los Ojos ?
Elodie : Nous sommes un duo franco-chilien. Moi, je m’appelle Elodie et je suis originaire de Marseille. J’ai rencontré Adrien en école d’architecture il y a 9 ans et on a commencé à faire de la musique ensemble assez vite.
Adrien : Et du coup, je m’appelle Adrien. Je fais aussi partie d’Ojos. Je suis Besançon et on s’est rencontrés à Lyon, entre les deux et on habite à Paris maintenant. Et comme Elodie l’a dit nous sommes un duo franco-chilien parce que Elodie est d’origine chilienne, on écrit donc des textes en français et en espagnol.
Alex : Comment définissez-vous la musique que vous faites ?
Elodie : En général, on essaie de ne pas définir, ce qui est le plus simple, mais si on devait le définir.
Adrien : Moi, j’aime bien dire pop sans frontières, dans le sens où ça, ça signifie qu’on ne se donne pas forcément de limite.
Elodie : Ça veut dire ce que ça ne veut rien dire… (rires)
Adrien : Ça peut dire beaucoup de choses, mais ça peut très bien ne rien vouloir dire aussi…. Mais quand je dis sans frontière, ça veut dire que c’est aussi bien en termes de style que de compositions musicales que d’influences que de langage.
Alex : C’est de la pop qui dérive ?
Elodie : Ouais c’est ça.
Adrien : ça peut aller vers le hip hop…
Elodie : on est allés vers le hip hop, un peu et ça va aller de plus en plus vers le hip hop.
Adrien : On est aussi un peu vers ça, même des trucs un peu reggaeton. Mais on dit pop parce que ça reste un format pop dans la construction et dans la structure des titres et dans le texte aussi.
Elodie : on est quand même à la base des grands fans de mélodies pop et c’est un truc qu’on essaie toujours de retrouver dans les morceaux, quel que soit le style, d’avoir un truc un peu pop
Alex : Ensemble, vous formiez avant Ojos, un autre groupe, rock ? Comment s’est fait la transition ?
Adrien : C’était un peu plus pop rock, on va dire en anglais.
Elodie: Du coup, on s’est jamais dit : « Viens, on fait un autre projet« . On s’est dit : « on écrit de nouveaux morceaux » et on s’est rendu compte que c’était un nouveau projet.
Alex : donc ça a plus fonctionné dans l’autre sens ?
Adrien : Complètement. Et du coup, c’était la période où tout s’est un peu arrêté dans le monde de la musique, dans le monde en général avec le Covid. C’était un moment où on a pu se poser. On a pu justement se poser de nouvelles questions, mais pour nous, c’était assez naturel de proposer à nouveau une nouvelle identité, un nouveau projet. Et on a des nouveaux textes qui sont arrivés en français et en espagnol.
Alex : Comment vous êtes passés de tout en anglais à se dire, tiens, écrivons en espagnol.
Elodie : C’est carrément ça. On a écrit un premier titre en espagnol parce que ça faisait longtemps qu’on se disait qu’il fallait qu’on écrive un titre en espagnol. Moi, c’est mes origines. Ça paraissait assez logique de le faire. Et du coup, il y a eu un premier titre espagnol qui était « Sola ». Et après, on s’est dit c’est hyper cool, en fait. l’Espagnol vient en fait d’autres et du coup, on en a fait d’autres.
Et au bout d’un moment, on se dit : « Mais pourquoi on fait ça? Ça n’a vraiment rien à voir avec ce qu’on fait ?« . Et c’est là qu’on s’est dit ben fait, c’est peut être le moment de passer à autre chose. Et puis, avec tout, on avait fait beaucoup de choses différentes, des super tournées, etc. Mais jamais eu le temps de réellement se poser pour réfléchir à ce qu’on avait envie de faire. Et voilà. Et du coup, on s’est dit là, on a le temps. Est ce que ce n’est pas le moment de te proposer quelque chose de nouveau.
Alex : Cette histoire de Covid, ça a été bénéfique alors ?
Elodie : Il n’y a pas eu que du bon là dedans, évidemment. Mais bon, là dedans, effectivement, c’était que ben, on a pu se poser des questions qu’on ne s’était jamais vraiment posées.
Adrien : Exactement. Et que cela soit du côté personnel ou professionnel. Mais c’était assez bénéfique et très vecteur de création.
Elodie : Pas toujours, mais souvent
Adrien : Paradoxalement, c’était assez cool, la plupart du temps. Mais surtout, encore une fois, dans le cas où on a décidé de donner naissance à quelque chose de nouveau et c’était obligatoire qu’on ait du temps pour ça.
Elodie: C’est certain qu’on ne serait peut être pas permis de prendre ce temps-là si on n’avait pas eu de l’obligation de le prendre.
Alex : Et comment vous travaillez à deux ? Qui fait quoi ?
Elodie : Il n’y a pas de tour de rôle. Puis, on a eu de la chance encore une fois avec cette histoire de Covid, c’est qu’on a été confinés ensemble, pas la première fois mais les deux suivantes oui.
Adrien : puis, on a la chance, je pense, de se connaître déjà depuis longtemps et on a appris à travailler ensemble. On connaît les qualités et les défauts de chacun et c’est un peu comme comment les mettre en avant ou pas.
Elodie : En termes de création, il n’y a aucune règle. Souvent, on s’est retrouvé devant un ordi tous les deux, comme de gros cons et on a attendu.
Adrien : Souvent. Y a des choses qui sont venues heureusement.
Elodie : Pendant le premier confinement, comme on n’était pas ensemble ou même quand on n’est pas ensemble aujourd’hui, on s’envoie des projets.
Adrien : Là, on est en coloc, on habite ensemble dans le 19ème, donc ça facilite les échanges, forcément. Et de la création. Mais il y a bien eu des périodes où on n’était pas du tout ensemble. Et Elodie m’envoyait des prods.
Alex : Vous êtes touche à tout ensemble donc.
Elodie : Y a que les textes que je fais de mon côté. Parce que, souvent, comme c’est moi qui les chante, j’aime pouvoir écrire mes histoires.
Adrien : En termes de production, on a vraiment commencé à découvrir ensemble. On a pris un peu de temps à comprendre comment tout ça fonctionnait mais même en terme d’instruments. Je fais de la guitare parce que c’est mon instrument de prédilection. Et j’ai toujours commencé par la guitare et la basse.
Elodie : Moi, c’est le clavier.
Adrien : Et tu t’es mise à la basse récemment, à la guitare récemment.
Elodie : Et toi au clavier.
Alex : Vous êtes devenus complémentaires.
Elodie : En fait, on est plus que complémentaires. On est devenus indépendants l’un de l’autre. Avant, on avait, je pense, plus des rôles définis où chacun avait un peu sa zone de confort. Moi, j’apportais plus des claviers et toi la basse. Mais maintenant beaucoup moins et du coup, les rôles sont plus flous. De par cette indépendance là.
Adrien : c’est ça. Mais bon, on bosse bien aussi avec d’autres personnes.
Alex : vous arrivez facilement à inclure d’autres personnes ?
Adrien : Franchement, là, on l’a beaucoup fait.
Elodie : bon aussi c’est toujours des potes donc forcément, ça facilite les interactions.
Adrien : En fait, ce qui est intéressant, c’est de voir qu’on n’est pas forcément toujours d’accord. On peut avoir des désaccords sur des choix artistiques, des choix de production… Mais parce qu’en fait, on est différents et que du coup, c’est ça aussi, là où on se complète et qu’on n’a pas forcément les mêmes points de vue sur les choses.
Elodie : Mais c’est là aussi la beauté du truc. C’est dans la recherche de compromis. On a des trucs qui, finalement, vers lesquels on ne serait pas allé.
Adrien : Ouais, mais par contre, quand on bosse avec d’autres gens, quand il y a des personnes qui apportent de nouvelles choses, on arrive toujours à être d’accord quand ça ne va pas.
Elodie : Malgré le fait qu’on ait des visions hyper différentes du projet, pas forcément exactement les mêmes envies, on arrive toujours à se retrouver sur la direction artistique qu’on veut avoir.
Adrien : Comme dans tout métier, c’est des compromis et des écoutes mutuelles qui font que parfois…
Elodie : c’est qui fait qu’on n’arrive pas du tout à donner le style quand on nous demande de le définir. (rires).
Alex : Est-ce que l’espagnol apporte des sonorités différentes que l’anglais et le français ? Pour le chant et la production ?
Adrien : Carrément.
Elodie :Déjà, il y a un truc qui est très particulier avec l’espagnol, c’est que c’est une langue qui a énormément d’accents toniques. Et ça, c’est vraiment un truc bête, mais qui donne une couleur à tout. Déjà en parlant, puisque t’as forcément une façon de raconter. Et ça donne lieu à des mélodies. Et je crois que c’est pour ça que la musique, la dynamique, etc. sont hyper typés parce que t’as forcément une façon de la poser, de poser ta voix.
Adrien : Mais si on s’était posé la question, c’est marrant, récemment… de s’imaginer un grand monde où il pourrait y avoir justement une seule langue qui qui régit le monde, ce qui serait évidemment impossible en terme de culture, etc.
Alex : L’espéranto s’apprend toujours
Adrien : Oui, oui, c’est vrai, mais du coup, je suis projeté en se disant : « D’où viennent les sons ? D’où viennent les harmonies, les mélodies ? »…
Elodie: Ce n’était pas la question?
Adrien : Je sais mais ça m’a fait penser à ça. Et effectivement, le fait d’avoir travaillé l’anglais à une certaine époque ne pouvait donner naissance à des et des sonorités particulières et l’espagnol a récemment cette histoire effectivement de l’accent tonique, d’une couleur couleur, un son, mais on s’est un peu aussi intéressé à la musique de manière un peu de haut et à la musique latine et aux sonorités latines.
Elodie : après le but, ce n’était pas non plus de faire de la musique latine. Mais d’utiliser l’espagnol comme une musicalité en essayant de se raccrocher à ce qu’on voulait faire. On s’amuse à mettre des petites gouttes d’espagnol, des petits mots dans des phrases en français, sans que ce soit que ce soit perturbant.
Alex : Comment vous expliquez que la musique latine ou espagnole ne traverse pas forcément la frontière, elle n’arrive pas forcément chez nous, à part pour les gros trucs, les tubes de l’été ?
Elodie : Je pense que c’est déjà culturellement de s’habituer à de la musique anglophone, etc.
Adrien : En France, on est assez frileux à faire écouter tout ce qui fait en termes de musique du monde, je trouve. Du coup, on n’est pas trop ouvert alors qu’il y a des choses magiques partout. Mais c’est une question intéressante.
Alex : L’EP « Volcans » vient de sortir. Qu’est-ce qu’il raconte ? Qu’est-ce qu’il dit de vous ?
Adrien :Ça dit beaucoup de choses de nous, je pense. Il y a 5 titres qui sont différents et qui veulent dire 5 choses différentes, en tout cas, qui parlent de 5 thèmes qui nous marquent beaucoup plus longtemps, qu’on a un peu gardé en nous…
Elodie : Oui, le titre « Volcans » nous parlaient parce qu’il y avait cette idée de truc un peu prêt à exploser pour trouver de chouettes. Et c’est un peu ce qu’on avait essayé de faire dans le morceau, c’est à dire avant tout, toujours dans le dans la retenue. Et puis, qui finit par exploser à la fin du morceau Il y avait toutes les thématiques autour de moi. Il y avait toujours une rage, en fait, qu’on voulait exprimer dans les morceaux. Mais même sur d’autres sujets, comme celui de la femme…. moi, on m’a souvent comparé à un volcan parce que je suis quelqu’un qui contient, réfléchi beaucoup et explose fort.
Adrien : Pour nous, c’était important, justement, de nous rapprocher, de nous ramener à une image en fait et d’essayer d’être le plus fidèle possible à cette image-là. En fait, c’est un peu notre guide tout au long du processus créatif. Un volcan, c’est quoi? C’est quelque chose de grand, de beau. Qui peut effectivement, comme tu l’as dit, exploser à tout moment et qui contient une rage, mais qui peut très bien ne pas exploser. En fait, ce danger là, ou en tout cas, c’est ce risque qui nous inspire beaucoup et c’est pour ça que parfois, on parle de danger ou même d’accident. Un accident, c’est toujours très difficile à dompter quand on crée, parce que forcément, c’est un accident. C’est quelque chose qui arrive sans qu’on s’y attarde. Et c’est cette chose-là, cette espèce de déclic dans la musique qu’on a toujours essayé d’avoir et au delà de ça, dans les textes, aussi.
Elodie : Mais cet EP, il parle avant tout de nous. (rires) L’idée, c’était surtout pas de raconter un truc universel. On s’en fout et en plus, on est incapable de le faire. C’était juste de raconter des histoires personnelles et au final, on se rend compte avec le recul que ces expériences, tout le monde les a vécues et c’est ce qui en fait quelque chose de similaire.
Adrien : on n’a pas l’ambition d’être porte-parole. On n’est rien ni personne pour se prétendre porte-parole d’un certain mouvement, d’un certain truc.
Elodie : le titre « Mystère » quand on l’a sorti, tout le monde a dit : « Est ce que vous avez conscience qu’on va vous parler de ça ? Vous allez devenir une espèce de porte parole peut-être. » Mais c’est vrai que l’idée, la volonté du départ, c’était de parler d’une expérience. C’est le cas dans nos morceaux aussi, qui va sortir plus tard. C’est vraiment une expérience. Et tant mieux si ça parle à des gens. Et tant mieux si ça aide des gens dans leur process de se désolidariser d’un système.
Alex : Vous travaillez donc à un album ? A un EP ?
Elodie : Pour l’instant, on travaille à de nouveaux titres.
Alex : avec une évolution de style à ce que j’ai compris ?
Adrien : C’est plus une continuité de ce qui a été fait, ce qui a été fait avec « Volcans« . On va rester dans cette image-là, mais en allant plus vers le hip hop, au sens large. En tout cas, la culture urbaine. Et parce que ça nous inspire beaucoup dernièrement.
Voilà donc de quoi être impatient de découvrir la suite, de passer plus de temps avec Ojos et leur musique forte, qui résonnera forcément en vous. Maintenant, il y a de quoi être impatient de les voir se donner à 1000% sur scène et lâcher leur énergie tellurique.